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Lumière sur… Les projets d’amélioration des passes du Bassin d’Arcachon

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Depuis la nuit des temps, les passes du Bassin d’Arcachon figurent parmi les entrées les plus redoutées des côtes de France. Lorsque les conditions de navigation se dégradent, particulièrement en hiver, elles causent de terribles naufrages, les chaloupes ancestrales ne pouvant résister aux forces naturelles.

Au cours du XIXème siècle, plusieurs projets ont vu le jour pour améliorer l’entrée du bassin et permettre ainsi l’établissement d’un véritable port de refuge pour les navires de guerre en détresse. Parmi eux, des idées audacieuses qui, si elles avaient abouti, auraient changé à jamais le visage de la Presqu’île.

Découvrez les projets du baron d’Haussez (1829), de Paul-Emile Wissocq (1834) et de Jean Lacou (1856).

Le baron d’Haussez, 1829

En 1829, le baron d’Haussez propose d’obstruer la passe existante en y déversant des carcasses de navires et d’en créer une nouvelle plus au nord, en coupant à travers le Cap Ferret. Le projet est complété par la construction d’estacades et de berges à chaque extrémité, des épis pour la défense des berges de la nouvelle entrée, deux phares et des balises.

En janvier 1907, un journaliste du journal local L’Avenir d’Arcachon ironise : « La situation administrative du baron d’Haussez, Préfet de la Gironde, le dispensait d’avoir des connaissances hydrographiques, il est donc regrettable, pour sa mémoire, qu’il ait conçu et signé la proposition suivante ».

Haussez s’attire les foudres de l’ingénieur Charles-François Beautemps-Beaupré (1766-1854). Membre de l’Académie des Sciences, il est considéré comme le père de l’hydrographie moderne. Entre 1814 et 1838, il dirige la rédaction des nouvelles cartes des côtes de la France. Par ailleurs, un buste le représentant orne le hall d’entrée du phare du Cap Ferret. Beautemps-Beaupré est consulté sur le projet du baron d’Haussez. Il objecte que les travaux présenteraient des difficultés considérables, voire insurmontables, et qu’ils causeraient dans le régime intérieur du bassin d’Arcachon des changements aux conséquences imprévisibles. Par ailleurs, la barre du nouveau chenal serait soumise aux mêmes causes d’obstruction que l’ancienne passe.


Charles-François Beautemps-Beaupré, extrait de la « Carte des Côtes de France : Environs du Bassin d’Arcachon », 1830 (Gallica)

Néanmoins, en 1830, une commission, présidée par Jean-Baptiste Billaudel, ingénieur en chef du département, est nommée pour étudier la question. Elle se prononce en faveur de l’ouverture de ce fameux chenal au nord du Cap Ferret proposé par le baron d’Haussez.

Au début du mois de mai 1835, le cartographe Paul Monnier (1794-1843) est chargé d’une mission de reconnaissance du Bassin d’Arcachon. Ses recherches l’amènent à connaître l’évolution des mouvements de sable qui ont formé l’ouverture dans l’océan, un travail nécessaire afin de pouvoir juger de la faisabilité de la création « d’une passe profonde et de facile accès, par laquelle des bâtiments de guerre de toute grandeur pourraient parvenir sur la rade intérieure de La Teste ». Les passes du bassin d’Arcachon ont changé de physionomie entre 1826 et 1835. En 1835 (carte de droite), les sables du Cap Ferret ont bien reculé et la passe est plus large qu’elle ne l’était en 1826 (carte de gauche).

Monnier conclue « qu’aucun travail d’art, quelque bien imaginé qu’il fût, ne pourrait avoir pour résultat la création d’une passe de facile accès en tout temps pour parvenir sur la rade de la Teste, et encore moins la création d’un état permanent de cette passe et du régime intérieur du bassin. » Il recommande tout de même un meilleur positionnement des balises et la construction d’un phare au Cap Ferret.

A gauche, État dans lequel les ingénieurs hydrographes de la Marine ont trouvé les passes et la rade intérieure du bassin d’Arcachon en 1826 (Gallica)

A droite, État dans lequel M. P. Monnier ingénieur hydrographe de la marine a trouvé les passes et la rade intérieure du bassin d’Arcachon dans les mois de juin et juillet 1835 (Gallica)

Paul-Emile Wissocq, 1834

En 1834, l’ingénieur hydrographe Paul-Emile Wissocq (1804-1873) présente devant l’Académie des Sciences un mémoire sur l’amélioration de l’entrée du Bassin d’Arcachon. Reprenant le projet d’ouverture d’une nouvelle entrée, il propose de relier l’île de La Teste (des Oiseaux) à la côte ouest par un barrage et de creuser un chenal sur l’emplacement de l’escourre du Boque, voisine du phare du Cap Ferret. La passe du sud devait se combler d’elle-même. Ce projet est en relation avec le projet de chemin de fer de Bordeaux à La Teste, deux projets considérés importants pour le développement économique de cette zone côtière.

« Si donc on veut un effet prompt et le meilleur possible, il faut d’abord établir le clayonnage, puis ensuite percer une nouvelle entrée au bassin, à l’endroit où il avait déjà été question de le faire en 1829, à environ 3 ou 4 mille mètres du Cap Ferret. La côte, en ce point, est peu élevée ; l’espace à couper a très peu de largeur, et la dépense à faire serait peu considérable ; il faudrait ensuite fermer l’autre entrée, afin que tout le courant passât par le nouveau chenal. La dépense à faire pour cela serait aussi assez faible, parce qu’il ne serait pas nécessaire de construire une digue bien solide, vu que par la position du nouveau chenal le courant tendrait à suivre cette direction, et que l’ouverture de l’ancien chenal étant bouchée, et le courant n’y passant plus, les sables ne tarderaient pas à venir le combler, et à en fermer l’entrée plus solidement que toutes les digues qu’on pourrait y faire. »

Selon Wissocq, les avantages de ce projet seraient multiples, permettant même d’établir un port sûr :

« Le courant par le nouveau chenal, sortant perpendiculairement au rivage, la barre se trouverait portée beaucoup plus au large, et l’action destructive des vagues s’y ferait sentir avec infiniment plus de force. De plus, les vagues poussées par les vents du sud, prenant la barre de côté, en transporteraient les sables le long de la côte et ne les porteraient plus dans le chenal même, comme cela avait lieu quand la direction du chenal était presque directement opposée au vent régnant ; et par l’effet du clayonnage, la quantité de sable apportée dans le canal étant beaucoup diminuée, le jusant en porterait encore beaucoup moins sur la barre. Tous ces effets se réunissant pour rendre la barre plus faible, on aurait créé par là un port très sûr dans un endroit où il est si nécessaire d’en avoir un. »

Le mémoire de Wissocq est publié en 1839.

Jean Lacou, 1856

A l’instar de Jean Alibert, chef restaurateur de La Forestière, Jean Lacou est un véritable touche-à-tout. Né en 1820 à Mérignac, ce fils de tonnelier travaille dans la mécanique jusqu’à ses trente ans. Il prend plusieurs brevets d’invention pour diverses machines (machine à vapeur, fusil à canne, couveuse artificielle, système de fermeture pour conserves alimentaires, etc.). Il dit même être l’inventeur de la pédale de la bicyclette !

Libraire à Arcachon, il tient également un cabinet de lecture qui fait également office de dépôt de cartes marines et de maison commerciale où il vend des bouteilles de vins, des liqueurs, des sirops, de la gelée d’arbouses, du poisson, des huîtres, etc.

Auteur, il publie des recueils de poésies et divers ouvrages sur la région dont un Guide du voyageur aux bains de mer d’Arcachon en 1856. Il profite d’un mois de prison au fort du Hâ (causé par un article sur l’alignement des rues à La Teste publié dans Le Phare d’Arcachon) pour sortir un recueil de poésies intitulé Les Heures d’un Prisonnier.

Journaliste, il fonde plusieurs journaux dont Le Phare d’Arcachon, Le canton de Pessac, Le Courrier de Bordeaux, Le Messager des Landes et de la Gironde.

Son guide historique de 1856 est accompagné d’une carte détaillant le projet de création d’une nouvelle passe dans le Bassin d’Arcachon à travers… la presqu’île ! La presqu’île se retrouve rabotée, et le Cap Ferret devient tout simplement une île. La passe imaginée par Lacou est large de 1500 mètres. Les travaux comprennent la création d’un chenal pour faire également d’Arcachon une île, la construction d’un canal reliant La Teste à l’étang de Cazaux (nommé canal des grandes Landes), d’un autre canal unissant les étangs de Cazaux et de Biscarosse (nommé canal du littoral des Landes).


Carte du Bassin et de la forêt d’Arcachon, Jean Lacou, 1860 (Archives municipales de Lège-Cap Ferret)

Extrait de la carte de Jean Lacou, 1860 (zoom sur le projet de nouvelles passes au Cap Ferret et à Arcachon)

Votre histoire, notre mémoire

“Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque.”
Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)

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79 avenue de la Mairie, Lège bourg
archives.ad@legecapferret.fr
05.57.17.07.80

Sources et références

Les Archives Municipales de Lège-Cap Ferret :

  • Copie de la carte de Jean Lacou, 1860

Les Archives Départementales de la Gironde :

  • Etat-civil de Mérignac

Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :

  • L’Avenir d’Arcachon, 20 mai 1894
  • L’Avenir d’Arcachon, 24 janvier 1907
  • L’Avenir d’Arcachon, 12 janvier 1908
  • L’Avenir d’Arcachon, 5 août 1928
  • Charles-François Beautemps-Beaupré, Carte des Côtes de France : Environs du Bassin d’Arcachon, 1830
  • Paul Monnier, État dans lequel les ingénieurs hydrographes de la Marine ont trouvé les passes et la rade intérieure du bassin d’Arcachon en 1826 ; État dans lequel M. P. Monnier ingénieur hydrographe de la marine a trouvé les passes et la rade intérieure du bassin d’Arcachon dans les mois de juin et juillet 1835

RetroNews :

  • Journal du Commerce, 22 mai 1834

Google Books :

  • Jean Monnier, Rapport sur le Bassin d’Arcachon avec un plan de l’entrée, 1835, paru dans les Annales maritimes et coloniales, Volume 2, Partie 1, Imprimerie Royale, 1837, pp. 5-17.

 

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