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Lumière sur… Les réservoirs de Piraillan
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Ville sous la forêt, la commune de Lège-Cap Ferret regorge de sites naturels exceptionnels, comme la Pointe-aux-Chevaux, le premier d’entre eux à être protégé au titre du patrimoine. C’est ce que vous lirez dans la prochaine revue municipale Presqu’île n°100, à paraître courant décembre.
Si la Pointe-aux-Chevaux est le premier site inscrit, les Réservoirs de Piraillan sont en revanche le seul et unique site classé de la Presqu’île. Il s’agit de la protection maximale.
Des réservoirs à poissons
Le site constitue la partie nord de l’escourre de Piraillan, concernée par le lot n°5 de la vente aux enchères publiques du 10 avril 1876. C’est Frédérick Lesca, frère de Léon, qui achète ces 5 hectares pour la somme de 2.250 francs. Il les aménagent en réservoirs à poissons, également appelés « viviers ».
A marée descendante, l’écluse est ouverte afin de vider partiellement les réservoirs. Un panneau grillagé à mailles fines, placé en amont devant l’écluse, empêche les poissons déjà à l’intérieur de sortir et de s’échapper. A marée montante, l’écluse est toujours ouverte, mais le panneau grillagé est enlevé, pour laisser les eaux entrer et avec elles, de nouveaux poissons.
Les Réservoirs à poissons de Piraillan (fonds Luc Dupuyoo, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
Le classement
L’expertise de M. Paisant, représentant la Fédération des syndicats d’initiative Guyenne et Gascogne, Côte d’Argent, a été requise pour évaluer la bordure forestière du bassin d’Arcachon. Les réquisitions par temps de guerre et les coupes de bois risquaient de mettre à bas ces parcelles. Dans son rapport du 22 septembre 1942, il motive les raisons pour une protection : « autant les réservoirs à poissons du Teich et d’Audenge sont monotones et franchement laids, autant celui de l’escourre de Piraillan est charmant et pittoresque, harmonieusement encadré de beaux arbres. Le classement est désirable. »
Les réservoirs à poissons – et « les bois qui l’entourent » – sont classés par arrêté ministériel le 1er juin 1943. Ils sont considérés comme des « sites et monuments naturels de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ». La propriétaire, Jeanne Lesca, petite-fille et héritière de Frédérick Lesca, semble avoir approuvé une telle décision (« vu l’adhésion du 1er juillet 1942 de Jeanne Lesca »).
A cette date, deux autres sites naturels de la commune sont concernés par une inscription : la bordure de l’océan et la dune du Bayle, la bordure nord-ouest du Bassin d’Arcachon.
Le camping des Réservoirs
Un peu moins de 10 ans après son classement en site naturel, les réservoirs de Piraillan sont transformés en un camping par leur propriétaire, Jeanne Lesca. Un arrêté préfectoral de classement et de tarification lui est accordée le 15 juillet 1954. D’après l’ouvrage de Max Baumann, La Côte Noroit, c’est Félix Capdevielle (Villa Pajou aux Jacquets) qui lui conseille de rentabiliser sa propriété en la louant à des campeurs. Un article de Sud-Ouest du 10 août 1954 vante les mérites du « très beau camp aménagé de Piraillan (eau potable, électricité, ravitaillement, douches, w.c., lavoirs, jeux) » qui accueille les campeurs pour 60 francs par personne et par nuit. Un camping-club est même créé à l’été 1957, avec pour objectif « le développement des activités sportives, culturelles et de plein air ».
Piraillan – Le terrain de camping dans les réservoirs, années 1960 (fonds François Bisch, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
Vers 1958, Jeanne Lesca fait construire une petite chapelle faite de rondins et de planches en bois de pin dans sa propriété des réservoirs. Le curé du Cap-Ferret y disait la messe le dimanche. En 1967, la chapelle est transportée derrière le marché de Piraillan où elle est toujours visible aujourd’hui. Notre-Dame de la Forêt est agrandie à la même période, la chapelle originelle se tenant derrière l’autel.
Piraillan – La chapelle Notre-Dame-de-la-Forêt dans les réservoirs (fonds François Bisch, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
Un camping municipal
L’Etat achète les Réservoirs le 31 janvier 1975 avec l’engagement de fermer le camping à terme et d’en faire une réserve naturelle. L’Association pour la protection et l’aménagement du Cap-Ferret s’en félicite dans son bulletin de liaison n°5 de juillet 1975 : « L’Etat vient de se porter acquéreur de l’important (37 hectares) domaine privé des Réservoirs de Piraillan, et il y a d’ailleurs tout lieu de s’en féliciter, afin que ce très beau « site classé » reste ouvert à tous et ne devienne pas le privilège exclusif de certains. »
Toutefois, les recettes non négligeables vont amener à poursuivre l’activité. Le 8 juillet 1975, le Syndicat d’Initiative de la Côte Noroit et l’Office du Tourisme de Lège obtiennent une convention pour exploiter le camping « à titre précaire et révocable » pour une durée initiale d’un an et six mois.
A la même époque, une demande de déclassement des réservoirs agite la presse locale. En décembre 1976, Sud-Ouest en consacre deux articles à quelques jours d’intervalle :
Le 8 décembre : « La mission d’aménagement de la Côte Aquitaine manifestant le souci de préserver les dernières « fenêtres vertes » sur le bassin d’Arcachon avait obtenu récemment de l’Etat l’achat d’un terrain de trente-huit hectares à Piraillan englobant les bassins, anciens réservoirs à poissons. Notons qu’un camping de « qualité médiocre » ayant tendance à se transformer en un lotissement déguisé, elle avait décidé de l’améliorer et d’en confier la gestion au Syndicat d’initiative de la commune de Lège. Seuls quelques équipements légers et un parc public étaient prévus. Dans ces conditions, la SEPANSO nous a fait part de sa grande stupéfaction à l’annonce d’une demande de déclassement des réservoirs à poissons. Celle-ci doit être soumise aujourd’hui à l’avis de la commission départementales des sites de la Gironde. Pourquoi en effet, les réservoirs de Piraillan classés en juin 1943 seraient-ils maintenant déclassés alors que l’Etat vient d’en faire l’acquisition ? »
Le 10 décembre : « Le site de Piraillan, en bordure du bassin d’Arcachon, sur la commune de Lège, ne sera pas déclassé (cf Sud-Ouest du 8 décembre). Ainsi en a décidé la commission départementale des sites de la Gironde, qui s’est réunie mercredi à Bordeaux. Un terrain de 38 hectares englobant d’anciens réservoirs à poissons avait été récemment racheté par l’Etat, à l’initiative de la Mission d’Aménagement de la Côte Aquitaine, pour être protégé et ouvert au public. La SEPANSO s’était donc étonnée de cette demande de déclassement. Elle vient d’obtenir satisfaction sans que soient pour autant remis en question les projets de la Mission. »
La convention est prorogée pendant cinq ans, jusqu’à la décision de l’Office de Tourisme de céder le camping. Au printemps 1980, il est alors repris par la commune en régie directe. Ce camping municipal va perdurer pendant quinze ans.
La radio ARC 102
Le 15 octobre 1981, l’Association pour la Promotion du Bassin d’Arcachon (APROBA) crée la radio locale ARC 102, à l’initiative de la mairie. Son studio est situé au fond du camping des Réservoirs. La radio est officiellement autorisée à émettre sur la fréquence 102.9 le 28 juillet 1983. La radio se veut musicale et populaire. Son slogan : « La radio du bonheur et du soleil ».
Christina Castaing se souvient de ses années passées sur les ondes d’ ARC 102 :
« C’est à cette époque que les radios libres commençaient à inonder la bande Fm. Robert Cazalet, maire de Lège-Cap Ferret, me demanda si je voulais participer à cette aventure, et c’est ainsi que je fis mes premiers pas sur Arc 102, radio du bassin d’Arcachon. Nous émettions depuis le camping des Réservoirs à Piraillan dans un chalet en bois… Nous étions tous archinuls devant un micro, mais nos voix radiophoniques plaisaient aux auditeurs. Notre parrain, Jean-Luc Lahaye, déboulait parfois à moto et trouvait que nous nous en sortions bien… ! »
De septembre 1987 à 1991, elle devient Fun Bassin d’Arcachon sur 102.9 MHz, puis cesse ses programmes. Elle passe sur 92 MHz en passif en 1992.
Les locaux de la radio ARC 102 dans les Réservoirs de Piraillan, années 1980 (fonds photographique de la mairie, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
La fin du camping
En décembre 1986, la municipalité approuve l’acquisition du camping des réservoirs de Piraillan. Jusqu’ici, elle n’a pas pu donner suite à son projet d’achat, « qui permettrait la mise en route d’un programme d’aménagement de restructuration et de modernisation de ce camping, par suite du prix trop élevé au moment de l’acquisition ». A la suite d’une négociation avec les services de l’Etat, le rachat pourrait être possible pour 4 millions de francs. Toutefois, cette transaction impliquerait que la partie du domaine classé à l’inventaire des sites retrouve sa vocation de domaine public. Le Conseil Municipal autorise la poursuite des négociations visant à l’achat des réservoirs et demande une subvention de 500 000 francs au Département pour compenser l’affectation de la partie classée dans le domaine public. Le prix de vente est définitivement arrêté à 4 millions de francs lors du conseil municipal du 27 février 1987. Mais ce projet ne verra jamais le jour.
En 1995, un rapport de la nouvelle municipalité élue pointe plusieurs dysfonctionnements du camping des Réservoirs, qui l’amène à envisager sa fermeture. Les installations sont vétustes (les sanitaires et les douches ne répondent plus aux règles d’hygiène, l’installation électrique est à refaire) et le plan d’eau n’est plus curé depuis des années. La légalité du camping n’est pas clairement établie sur le plan juridique. De plus, cette zone naturelle est à préserver, d’autant plus qu’un permis de construire a été signé l’avant-veille des élections.
Du côté des soutiens du camping, les habitués avancent d’autres arguments pour défendre leur lieu de vacances. Le classement ne concernerait que les îlots et le rivage immédiat. L’activité est économiquement viable et apporte des revenus indirects (par exemple, pour les commerçants du marché de Piraillan). La décision municipale ne viserait qu’à exclure des campeurs aux revenus modestes de la Presqu’île.
La fermeture du camping est approuvée par le Conseil Municipal le 7 septembre 1995. Les premiers campeurs sont évacués au cours de l’hiver 1995. Le camping est vidé le 1er janvier 1996. Un arrêté préfectoral de retrait de classement est signé le 20 mars 1996 et il est entériné par un arrêté municipal n°23/1996 du 14 mai 1996. La requête de l’Association des Amis pour la défense du camping des Réservoirs de Piraillan, créée le 28 septembre 1995 et présidée par Lucien Gayraud, ne changera rien. Celle-ci est rejetée le 6 juin 1996 par le Tribunal Administratif de Bordeaux.
Le Conservatoire du Littoral devient propriétaire par cession gratuite de l’Etat en 1996. La gestion est confiée à la commune depuis plusieurs années. Les réservoirs de Piraillan retrouvent leur statut de réserve naturelle. Depuis la protection du site, les plantes ont repris leur place. A chaque saison, la faune et la flore des réservoirs de Piraillan évoluent : plusieurs espèces de grands mammifères, d’insectes et d’oiseaux vivent sur le site.
Les Réservoirs de Piraillan, une fenêtre ouverte sur la nature (photographie A.D)
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Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)
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79 avenue de la Mairie, Lège bourg
archives@legecapferret.fr
05.57.17.07.80
Sources et références
Les archives de Lège-Cap Ferret :
- Délibérations du Conseil Municipal de Lège-Cap Ferret
- Dossier sur les Réservoirs de Piraillan
- Max Baumann, La Côte Noroit
- Fonds photographique de la mairie
- Fonds François Bisch
Retrouvez toute la collection de cartes postales de François Bisch sur son site officiel : ferretdavant.com
Archives en ligne du journal Sud-Ouest :
- Sud-Ouest, 10 août 1954
- Sud-Ouest, 8 décembre 1976
- Sud-Ouest, 10 décembre 1976
- Sud-Ouest, 9 septembre 1995
- Sud-Ouest, 25 septembre 1995
Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :
- Journal Officiel de la République Française, 8 août 1957
Google Books :
- Christina Castaing, Dolce Vita, Société des écrivains, 2021
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