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Lumière sur … Les cafés dans les années 1920
LES ARCHIVES MUNICIPALES DE LÈGE-CAP FERRET ONT POUR VOCATION DE CONSERVER LES ARCHIVES PUBLIQUES, MAIS AUSSI DES DOCUMENTS PRIVÉS, UNIQUES ET PARFOIS PERSONNELS. TOUS LES MOIS, DÉCOUVREZ UN DOCUMENT INÉDIT SUR VOTRE COMMUNE ! PAR SON INTÉRÊT HISTORIQUE, SON ASPECT ESTHÉTIQUE, OU SON ORIGINALITÉ, CE DOCUMENT TÉMOIGNE DE LA MÉMOIRE LOCALE.
Bien plus nombreux qu’aujourd’hui, les cafés rythmaient la vie des habitants de Lège. Résiniers et ouvriers s’y réunissaient le soir après une rude journée de labeur. Plus qu’un simple lieu de consommation, les cafés offraient divers services à la population. Le cafetier se faisait tour à tour restaurateur, épicier et même coiffeur et barbier !
Les coiffeurs à double casquette
C’est une délibération du Conseil Municipal de Lège prise le 7 novembre 1920 qui a piqué notre curiosité :
« Le Conseil municipal fait part à M. le Préfet de la situation suivante créée à la population de la commune par le nouvel arrêté concernant les heures de fermeture des cafés.
Dans la commune de Lège, il n’y a pas de coiffeurs faisant exclusivement ce métier.
Ceux qui l’exercent sont des gens du pays qui travaillent toute la semaine dans les bois et qui le samedi soir se rendent dans les cafés où sont installés leur salon de coiffure, et où les attendent leurs nombreux clients. Leur travail dure la soirée et ne pouvant servir toute leur clientèle à cause de la fermeture des établissements ils continuent le dimanche matin.
Pour permettre à ces ouvriers de faire leur travail ou tout au moins une grande partie le samedi soir, le Conseil, à l’unanimité, demande à M. le Préfet de la Gironde l’autorisation de laisser ouverts les cafés de la commune de Lège jusqu’à minuit le samedi soir. »
Cette demande est refusée par le Préfet le 12 novembre 1920.
Dans les années 1920, les coiffeurs de la commune cumulent plusieurs emplois. A Lège, Jean-Gusman Rue est résinier. En revanche, Jules Despagne ne semble avoir exercé que la profession de coiffeur, d’après les recensements de population de 1921 et 1926. A Petit Piquey, François dit Auguste Saubesty tient un café-épicerie. Dans l’édition du 9 août 1931 de L’Avenir d’Arcachon, Guy de Pierrefeux relate une amusante anecdote au sujet d’Auguste Saubesty et des écrivains Pierre Benoît et Francis Carco :
« Le coiffeur de la région réside au Petit Piquey. Il ne rase que dans la journée, car c’est lui qui porte le pain dans les petits villages de la côte. Il cumule également ses fonctions de barbier avec celles de restaurateur, cafetier, épicier et c’est sa femme, Madame Saubesty qui va vendre dans une charrette aux larges roues et sous une toile disposée en arceau, des excellents gâteaux d’Arès. Toutes les voitures qui viennent alimenter la côte sont semblables, et une trompe aux sons différents annonce l’arrivée du boucher, du charcutier ou de l’épicier.
Or, un jour, que Benoît et Carco se rafraîchissaient sur la terrasse du cafetier-coiffeur, Saubesty, qui ne connaissait pas les deux littérateurs, les entendit parler de Cocteau et de Radiguet.
« Excusez-moi, messieurs, si je vous coupe, mais comme j’ai beaucoup connu ceux dont vous parlez, je voudrais vous poser une question. C’est moi qui ai coupé à la tondeuse les beaux cheveux blonds de M. Radiguet que Jean Cocteau recueillait avec respect et amour. Est-il vrai, comme je l’ai lu dans un journal, que Jean Cocteau est entré au couvent ?
– Je ne sais pas s’il y est entré, répondit Pierre Benoît, mais dans ce cas il en est sorti ; je l’ai vu, il y a deux jours, à Paris.
– Bast, ajouta le barbier, avec des écrivassiers, il ne faut rien prendre au sérieux ; ils sont tous plus ou moins maboules. »
Pierre Benoît, mis en gaité, riait de bon cœur, tandis que Francis Carco, très froissé, payait ses consommations en se promettant de ne plus revenir dans le café du Figaro-Gaffeur. »
(En argot, un figaro est un coiffeur ou un barbier. Le terme vient d’une série d’œuvres littéraires écrites par Beaumarchais au XVIII ème siècle et mettant en scène un personnage du nom de Figaro, barbier de profession.)
Joseph Bourseguin, le facteur du Cap Ferret, est également coiffeur pour hommes durant ses heures de congé. Il a continué cette vocation pendant sa retraite, se souvient Madame Germaine Lescarret-Lacrampe dans son autobiographie.
Les heures de fermeture des cafés
Un arrêté municipal du 9 juillet 1916 décrète que « les débitants de boissons de la commune de Lège devront fermer leurs établissements à dix heures du soir. » Cette décision fait suite à la circulaire du 29 juin 1916 signée par le Ministère de l’Intérieur : les cafés et débits de boissons doivent cesser leurs activités à 10 heures en province, ceux de Paris jusqu’à 10h30.
« La raison de cette mesure ? », se demande un journaliste de La Petite Gironde, « Sur plusieurs points de la France, les limonadiers avaient invoqué le changement de l’heure légale et son avance pour réclamer le droit de fermer un peu plus tard leurs devantures. Ils avaient été écoutés.
M. Malvy (Ministre de l’Intérieur) n’entend pas de cette oreille. Il ne veut pas que la modification des horaires consacre le droit à la consommation tardive. La Ligue antialcoolique le guette et lui met aux doigts la plume de l’exécuteur des hautes oeuvres sociales. Et puis j’imagine que le souci d’économiser le luminaire a dû entrer en ligne de compte dans la décision ministérielle. »
Une précédente circulaire du Ministre de l’Intérieur Georges Clémenceau s’inscrit dans cette politique de la bonne moralité. En 1907, les cafés et autres débits de boissons doivent respecter une certaine distance par rapport aux lieux de culte et cimetières. Le 16 juin, le Conseil Municipal de Lège, « estimant que les établissements où l’on boit et où l’on joue favorisent l’alcoolisme et les dépenses inutiles au détriment de la santé du chef de famille et du bien-être de la famille », est d’avis que le maire Henri Guérin prenne un arrêté en ce sens. C’est chose faite le 5 août : « A l’avenir, les cafés, cabarets et débits de boissons ne pourront être établis à moins de cent mètres des cimetières, des édifices consacrés aux lieux de culte et des écoles. » Détail amusant lorsqu’on sait qu’à cette époque le café Villetorte jouxte déjà l’église de Lège et que le café Goubet est à peine à 200 mètres du cimetière. Mais les distances imposées par l’arrêté ne concernent que les futurs établissements, non pas ceux déjà construits (les cafés Goubet et Villetorte datent de 1900 et 1904.)
De 1922 à 1939, les cafetiers, restaurateurs et hôteliers de la commune réclament chaque année des dérogations pour ouvrir leurs établissements plus longtemps, en particulier pendant la saison estivale. En juin 1922, ils obtiennent l’autorisation d’ouvrir jusqu’à 1 heure du matin, uniquement du 1er juillet au 30 septembre. En avril 1933, ils demandent un changement de leurs horaires de fermeture : deux heures de plus les veilles de fêtes, samedis, dimanches et fêtes ainsi qu’une heure de plus les autres jours de la semaine pendant la saison d’été et période d’heure nouvelle. Là encore, la Préfecture ne leur autorise que l’heure limite d’une heure du matin.
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“Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque.”
Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)
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05.57.17.07.80
SOURCES ET RÉFÉRENCES
Les Archives municipales de Lège-Cap Ferret :
- Délibérations du Conseil Municipal de Lège
- Arrêtés municipaux de Lège
- Recensements de la population de Lège de 1921 et 1926
- Germaine Lescarret-Lacrampe, Cap Ferret, ma Presqu’île, 1979
- Jacques Ragot, Le Cap Ferret, de Lège à La Pointe, tome 2 De l’ensemencement des dunes à nos jours, 1973
RetroNews, le site de presse ancienne de la BnF :
- La Petite Gironde, 7 juillet 1916
Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :
- L’Avenir d’Arcachon, 9 août 1931
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